La Rue de la Soie (Pho Hang Dao) est la rue chic du vieux quartier de la capitale de Hanoi, quartier qui s’est établi dès le XVè siècle. Littéralement, Pho Hang Dao signifie : la rue où l’on vend des tissus teints en rouge. Dès les XIVè – XVè siècles, des villageois, surtout de Dan Loan ( province de Hai Duong), sont venus s’y installer, formant la corporation de Dai Loi et exerçant ce métier. On trouve encore dans leur maison communale du No 90A une ancienne stèle en pierre précisant qu’en 1706, l’édifice a été construit en l’honneur du Génie tutélaire de leur village d’origine, ancêtre et patron des teinturiers.
La Rue de la Soie a changé à plusieurs reprises au cours de la période contemporaine. Au début du siècle, elle gardait intacts tous ses traits traditionnels : commerce de soieries pratiqué par de nombreuses familles de génération en génération (la teinturerie ayant émigré dans d’autres endroits dont la rue du Pont de Bois) réputée pour ses lettres et ses mandarins, l’attrait de ses filles, jolies et élégantes, expertes en négoce, dont la dot prometteuse tournait la tête aux lauréats de l’Université française nouvellement ouverte. Des deux côtés d’une chaussée mal empierrée longue de 250 m, se chevauchaient une centaine de maisons-boutiques étroites et basses à ravir, dans un désordre charmant, il n’y avait pas encore de trottoir. Chaque boutique comprenait deux compartiments : le compartiment extérieur doté d’une petite vitrine contenant des boutons, avec une femme, souvent venue de la campagne, jeune ou d’un certain âge, qui était chargée de héler les clients potentiels qui passaient ; le compartiment intérieur où trônait sur un lit la patronne ou sa fille, entourée de grosses vitrines chargées de pièces de brocart (gâm), de satin fleuri (vóc), de soie, de gaze... La vente de la soie grège (to sông) comptait aussi parmi les spécialités. Le marchandage restait de mise parce que la marchande annonçait toujours un prix exorbitant. Chaque mois lunaire, aux foires des 1er, 6e, 11e, 21e, et 26e jours, la Rue de la Soie s’animait. Les gens des villages de tissage y venaient vendre leurs articles : gaze (the) de La Ca et La Khê, filoselle (dui) de Dai Mo, brocart de Van Phúc, satinette (linh) de Buoi. Ils venaient aussi s’y approvisionner en soie grège. Les teinturiers de Cho Dau (Dinh Bang) du Lac de l’Ouest, de Buoi, de la Rue des Teinturiers (Hàng Bông Nhuôm) et de la Rue du Pont en Bois, y recevaient leur commande.
Au lendemain de la première guerre mondiale, la Rue de la Soie a connu une certaine modernisation. Des Indiens venant des cinq comptoirs français de l’Inde y ouvraient des boutiques vendant des cotonnades, surtout de calicot, du Kaki..., des firmes françaises s’y sont installées (Dumarest, Denis-frères...), certains, des chettys, pratiquent l’usure. Le nombre de boutiques de soieries vietnamiennes décroissait, leur devanture imitant celles des Indiens : grande vitrine, comptoir, enseigne avec caractères en Vietnamien romanisé ou en français (au lieu des caractères chinois pour le nom de la boutique) écrits sur un rideau. La première mercerie a fait son apparition en 1917. Vers les années 30, la Rue était dominée par les magasins de nouveautés parisiennes : parfumerie, produits de beauté, feutres, foulards, mouchoirs, cravates... Pendant plusieurs décennies après la libération de Hanoï occupée par les Français de 1946 à 1954, la Rue de la Soie connaît des activités en sourdines, le commerce privé n’étant pas encouragé. C’est à partir du milieu des années 80 qu’à la faveur de l’adoption du marché libre, elle a un regain de vie extraordinaire grâce à un foisonnement d’horlogeries, de merceries, de boutiques de prêts-à-porter, de maisons en béton qui risquent d’ailleurs de la défigurer.