La citadelle de Hue fut conçue en deux ans, de 1803 à 1804 et construite de 1805 à 1832. Un ensemble important d’épais remparts y protégeait les membres de la famille royale et tous ceux qui travaillaient au service quotidien des Nguyen. Pour la construire, des miliers de soldats avaient été recrutés pour de nombreuses années dans l’ensemble du pays. Pour construire, disait-on, on puise dans la rivière quand on a besoin d’eau et dans l’armée quand on a besoin de bras.
Située sur la rive gauche de la rivière des Parfums, elle occupait une surface bien plus importante que celle qu’occupait la citadelle de Phu Xuan des anciens Nguyen. Elle couvrait les territoires de huit villages riverains des rivières de Kim Long et Bach Yen dont des miliers de maisons et de tombes avaient été réquisitionnées contre un modeste dédommagement. En 1805, la première phase de la construction vit plus de trois mille ouvriers combler des bras de ces rivières pour édifier une enceinte de terre. Ce qu’il en restait servit à la réalisation d’étangs et de rivières artificiels, parmi lesquels le Canal Impérial à l’intérieur de l’enceinte et le Canal périphérique à l’extérieur.
La construction de remparts de briques appuyés sur l’enceinte de terre dura de la fin du règne Gia Long au milieu de celui de Minh Mang. En 1809, on y perca dix portes voutées qu’on recouvrit plus tard de pavillons à deux niveaux. Une autre percée permettait aux eaux de Binh Dai de s’écouler vers le canal périphérique et la rivière des Parfums par un réseau de canaux creusés sur les deux rives du canal Impérial.
La citadelle forme un carré de plus de cinq cent hectares et de 10 km de périmètre. Seul le côté antérieur doit épouser la légère courbe du bras de la rivière des Parfums qu’il côtoie. Les remparts, hauts de six à sept mètres et épais de près de 22 m comptent vingt-quatre bastions. Les architectes ont su y adapter les techniques occidentales de construction d’ouvrages de défense aux conditions particulières du pays. En particulier, ils furent fidèles aux traditions de la géomancie traditionnelle dans les choix qu’ils firent des sites et orientations des ouvrages, tenant compte des situations respectives des hauteurs de la Ngu Binh, de la rivière des Parfums et des ilots .
Les fortifications à la Vauban, selon un plan qu’on retrouve dans de nombreux pays de l’ouest et dans leurs anciennes colonies sur les ouvrages construits aux XVIIè et XVIIIè siècles, assuraient à la citadelle une défense efficace. C’est au XVIIIè siècle que cette architecture fut importée en Orient. Pendant les dernières décennies de son règne, Nguyen Phuc Anh avait demandé l’aide de la France pour combattre les Tay Son, c’est ainsi qu’une première citadelle avait été construit à Gia Dinh en 1790. Hue était la seconde.
La citadelle marie harmonieusement architectures orientale et occidentale, tradition et modernité, art et nature. Ses architectes ont su appliquer les connaissances artistiques et techniques qu’ils avaient acquises à l’étranger à l’environnement local des collines de Hue et aux traditions régionales et nationales.
La Cité impériale
Au contraire des ouvrages de Thang Long, qui pour la plupart sont enterrés, ceux de la Cité impériale de Hue, indépendamment de leur état de conservation, sont en surface.
Les documents d’époque y distinguent trois enceintes concentriques : par ordre décroissant, on trouve d’abord celle de la citadelle, puis celle de la Cité impériale et enfin celle de la Cité interdite ou Cité pourpre interdite. Chacune correspond à un niveau de défense et de protection des activités de la cour, du roi et de sa famille. L’ensemble formé par la Cité impériale et la Cité interdite.
La Cité impériale abritait l’administration centrale, les palais et les temples. Sa construction a précédé celle de la citadelle d’une année. Gia Long en avait chargé les grands mandarins. L’enceinte formait un carré de plus de six cents mètres de côté, faisant face au sud et entourant, sur un terrain de près de 38 hectares, des palais et temples datant des ancêtres du roi. Les remparts de briques étaient protégés, au milieu de chaque côté, par quatre bastions surmontés d’un poste de garde de forme carrée. L’accès se faisait par quatre escaliers, un à chaque coin. Des fossés remplis d’eau, profonds de quatre mètres et larges de seize, entouraient les remparts. Leurs parois étaient couvertes de pierres de montagne et dix ponts de pierres permettaient de les franchir.Ils formaient un plan d’eau, qu’on désignait du nom de Ngoai Kim Thuy et qui était couvert de nénuphars en été. L’enceinte était percée d’une porte sur chacun de ses côtés : Ngo Mon, au sud, était réservée au roi et à l’ouest, aux femmes.
La Cité impériale était divisée en cinq secteurs séparés par des murs, chaque secteur ayant une fonction qui lui était propre.
La Cité interdite
Protégée par trois enceintes concentriques, la Cité interdite était au coeur de la citadelle : c’était là que vivaient les rois et leurs familles et là qu’ils exerçaient leurs fonctions et leur pouvoir. D’abord nommée Cung Thanh sous Gia Long qui la fit construire en 1804, elle prit le nom de Cité interdite en 1822, sous Minh Mang. Les peines encourues par celui qui y pénétrait sans autorisation étaient fort sévères. Aussi, pendant près d’un siècle et demi, les treize rois Nguyen y vécurent-ils dans le secret.
Orientée au nord-sud, elle forme un rectangle entouré d’un mur de briques percé de plusieurs portes. À l’intérieur de l’enceinte, un ensemble de cinquante ouvrages de dimensions diverses était encore intact en 1945. Mais on ne peut que regretter qu’en février 1947, ce qu’on a appelé la campagne de la terre brulée les ait tous détruits.
Les palais principaux se succédaient sur l’axe central : le palais Dai Cung Mon, Can Chanh, où le roi recevait les dignitaires et réglait les affaires du royaume, le palais Can Thanh où il résidait, le palais Khon Thai réservé à la reine et enfin le pavillon Kien Trung où logeait Khai Dinh et plus tard la famille de Bao Dai. De part et d’autre de cet axe, on trouvait une dizaine d’édifices destinés aux loisirs de la famille royale : Dong Cac, la bibliothèque, Thai Binh Lau, le salon de lecture, Duyet Thi Duong, le théâtre,etc.